Suivre un groupe depuis le départ, en connaissant ses membres, donne forcément un regard pas tout à fait objectif sur sa musique.

Dans le pire des cas, on se retrouve obligé de dire des gentillesses sur des évolutions auxquelles on n’adhère plus, pour ne vexer personne ; dans le meilleur, on est bien obligé de constater les progrès… Dieu merci dans le cas des Modules, c’est la seconde option, avec la mention « progrès foutrement spectaculaires ».

les modules etranges

Non pas que les débuts des Modules aient été catastrophiques, mais il y avait chez eux une application à suivre leurs héros que même le jeu de guitare exubérant de Stéphane (le Jimi Hendrix de la cold-wave !) n’arrivait pas à casser, et un manque de confiance vocale chez Justine qui pouvait plaire par sa fragilité mais aussi lasser à la longue. Un tas d’enregistrements et de concerts plus tard – ces gens là sont d’authentiques Stakhanovistes -, le gothique éthéré un peu trop laborieux des débuts s’est transformé en batcave flamboyante et débridée, qui doit maintenant autant aux Swans qu’aux Cocteau Twins du premier album.

La personnalité du duo central n’y est pas pour rien : là où les gogoths classiques sont souvent de gentils enfants gâtés faisant de la musique en dilettante entre une soirée vampire, un thé-vodka, un peu de shopping latex et un partiel de macro-économie, Azia et Stéphane, eux, apparaissent comme d’authentiques survivants, seuls contre le reste du monde, intransigeants, galériens convaincus de la nécessité de leur musique ; des guerriers plutôt que des artistes. Bref, l’antithèse du fashionisme dark-de-la-mort…

Les Modules Etranges

Leur musique n’est pas jolie, elle brûle, libre à vous d’y adhérer ou pas. Pas très loin de Frustration, d’une certaine façon, mais sans le melon. Mais revenons en à ce tout nouveau disque : un son aride, claquant, des boites à rythme qui ne cherchent plus à sonner comme des batteries mais comme des coups de fouets ; une basse gothissime ; la guitare comme une infection rampante, saturée d’effets et de larsen, entre le Robert Smith de The Kiss et les murs du son à la Jesus & The Mary Chain ; et là-dessus, la grande prêtresse Azia, distribuant des mots comme des coups de couteau, des litanies, des reproches.

Un disque que certains trouveront peut-être très old-school, tant il sonne enregistré dans un squatt ; une dureté dans la production qui correspond à la dureté du propos. En rarement plus de trois minutes trente, sans fioritures, ces gens là ne pleurent pas les amours perdues : ils leur crachent à la gueule.

VX69
http://www.myspace.com/cheerleader69theband

Les Modules Etranges